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mois, répondis-je. Je ne l’ai pas connue. C’est moi qui la remplace.

— Oh ! que non !

— Pardonnez-moi.

— Dites que vous lui succédez ! Le printemps ne remplace pas l’hiver, il le fait oublier.

— L’hiver peut cependant avoir du bon.

— Oh ! vous n’avez pas connu Esther ! Elle était aigre comme la bise de décembre, et quand elle approchait de vous, on se sentait venir des rhumatismes.

Là-dessus, il se mit à faire le portrait de cette pauvre Esther d’une façon gaie, sans fiel, mais très-comique, et je ne pus retenir un éclat de rire.

— À la bonne heure ! ajouta-t-il, vous riez, vous ? On entendra donc rire ici ! Riez-vous souvent au moins.

— Mais oui, quand l’occasion est bonne.

— Il n’y avait pas de bonne occasion pour Esther. Après tout, elle avait raison si elle eût ri, elle eût montré ses dents ! Oh ! mon Dieu, ne cachez pas les vôtres. Je les ai vues, et pourtant je ne vous en dis rien. Je ne connais rien de plus sot que les compliments. Est-ce que c’est impertinent de vous demander votre nom ? … Mais non, ne me le dites pas. J’avais deviné celui d’Esther : je l’avais baptisée Rebecca. Vous voyez que je sentais la race. Je voudrais deviner le vôtre.

— Voyons, devinez.