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Aujourd’hui la vieille marquise n’est plus. Débile de corps et trop active d’esprit, ses jours étaient comptés. Elle s’est éteinte au milieu de ses enfants et petits-enfants les bénissant tous sans croire qu’elle les quittait, se sentant faible, mais ayant dans l’esprit du nerf et de la bonté jusqu’à la dernière heure, et faisant des projets comme la plupart des mourants, pour l’année prochaine !

Le duc a beaucoup grossi dans la prospérité : mais il est toujours aimable, beau et assez ingambe. Il vit dans un grand luxe, mais sans prodigalité, et se remettant de tout à sa femme, qui le gouverne et le maintient sage avec un rare esprit de conduite et une admirable finesse dans les gâteries de la passion proclamée. Nous ne voudrions pas jurer qu’il n’ait jamais pensé à la tromper ; mais elle a su déjouer les fantaisies sans qu’il s’en aperçût, et son triomphe, qui dure encore, prouve une fois de plus qu’il y a quelquefois assez d’art et de force dans le cerveau d’une fillette de seize ans pour régler au mieux la destinée d’un professeur de scélératesse. Le duc, admirablement bon et assez faible, trouve plus de charme qu’on ne croit à ne plus ourdir de savantes perfidies contre le beau sexe et à s’endormir, sans remords nouveaux, sur l’oreiller du bien-être.

Le marquis et la nouvelle marquise de Villemer passent maintenant huit mois de l’année à Séval, toujours occupés, on ne peut dire l’un de l’autre, puisqu’ils se sont identifiés l’un à l’autre au point de