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chercher, mais sans aucun espoir. Il y avait déjà un demi-pied de neige, et le vent qui l’amoncelait dans un creux, pouvait y cacher un cadavre.

Caroline allait au hasard, marchant devant elle comme une âme sans corps, tant elle était surexcitée. Elle était déjà un peu loin de la voiture lorsqu’elle entendit le cheval souffler avec force en baissant la tête. Elle crut qu’il expirait, et le regardant avec détresse, elle vit qu’il flairait devant lui d’une manière étrange. Ce fut une révélation ; elle s’élança et aperçut une main gantée et comme morte que l’haleine du cheval, en fondant la neige sur ce point, avait mise à découvert. Le corps étendu là était l’obstacle que l’animal n’avait pas voulu fouler aux pieds. Aux cris de Caroline, Peyraque accourut, et, dégageant M. de Villemer, il le mit dans la voiture, où mademoiselle de Saint-Geneix le soutint et tâcha de le réchauffer dans ses bras.

Peyraque prit la bride et marcha de nouveau dans la direction du Mezenc. Il voyait bien qu’il n’y avait pas un instant à perdre, mais il allait sans savoir où il mettait le pied, et bientôt il disparut dans une ravine qu’il n’avait pu éviter. Le cheval s’arrêta de lui-même ; Peyraque se releva, et, voulant le faire reculer, vit que les roues étaient prises dans un obstacle invisible. D’ailleurs le cheval était à bout de courage ; il le rudoya vainement, il le frappa pour la première fois de sa vie, il poussa sur le mors jusqu’à lui faire saigner la bouche. Le pauvre animal le regarda d’un