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tout prix par des mariages d’ambitions, par des évolutions de conscience politique, par des intrigues de famille autour des successions, voilà ce qui prend à juste titre le vilain nom d’argent, et de ce côté-là je suis bien de l’avis de la marquise, qui ne pardonne pas les mésalliances intéressées et toutes les autres platitudes, soit privées, soit publiques.

C’est pour cela que la marquise voit, sans regret et sans frayeur, tomber jour par jour tout ce qu’elle possède dans un gouffre. Je t’ai déjà parlé de cela. Je t’ai dit que le duc d’Aléria, son premier fils, la ruinait, tandis que le second, le marquis, le fils de son dernier mari, l’entourait d’égards et de soins, et maintenait encore son existence sur un pied très-confortable.

Il faut que je te parle maintenant de ces deux messieurs, dont je ne t’ai encore dit que quelques mots. J’ai vu le marquis dès le premier jour de mon installation. Tous les matins, de midi à une heure, et tous les soirs, de onze heures à minuit, il vient chez sa mère. En outre, il dine chez elle assez souvent. J’ai donc eu le temps de l’observer, et je m’imagine déjà le connaître assez bien.

C’est un homme jeune qui me paraît n’avoir pas eu de jeunesse. Il est d’une santé délicate, et son esprit, qui est très-cultivé et très-élevé, se débat contre un chagrin secret ou contre une tendance naturelle à la tristesse. Il est impossible d’avoir un extérieur moins frappant au premier abord et plus sympathique