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aurait couru après moi, si j’avais été demeurer chez ma sœur. La marquise voulait me faire rester un peu pour m’expliquer avec lui, pour lui dire que je ne l’aimais pas…

— C’est peut-être cela qu’il aurait fallu faire ! dit Peyraque

Caroline fut frappée de l’austère logique du paysan. — Oui, sans doute, pensa-t-elle, c’est jusque-là qu’il aurait fallu pousser le courage.

Et comme elle gardait le silence, la nourrice, éclairée par la pénétration du cœur, dit à son mari brusquement : — Attends donc, toi ! Comme tu y vas ! Sais-tu si elle ne l’aimait pas, cette pauvre enfant ?

— Ah ! cela, c’est différent, reprit Peyraque, inclinant sa tête sérieuse et pensive qu’ennoblit un sentiment de pitié délicate.

Caroline se sentit remuée jusqu’au fond de l’âme par la droiture de cette amitié naïve qui d’un mot touchait le vif de sa blessure. Ce qu’elle n’avait pas senti la force et la confiance de dire à sa sœur, elle éprouva le besoin de ne pas le cacher à ces cœurs profondément vrais qui lisaient dans le sien. — Eh bien ! mes amis, vous avez raison, dit-elle en leur prenant les mains : je n’aurais peut-être pas eu la force de mentir, puisque, malgré moi,… je l’aime !

À peine eut-elle prononcé ce mot, qu’elle fut saisie d’effroi et regarda autour d’elle comme si Urbain eût pu être là pour l’entendre, et puis elle fondit en larmes à la pensée qu’il ne l’entendrait jamais.