Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/297

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ces vieux époux dont la précision de langage et d’idées ne lui causait ni crainte ni étonnement. Il lui semblait que le lait de la montagnarde avait passé en elle jusqu’aux os, et qu’elle se retrouvait là comme avec des types déjà connus dans quelque antérieure existence.

— Mes amis, leur dit-elle lorsque Justine lui apporta la crème du dessert, pendant que Peyraque arrosait sa soupe d’un bol de vin chaud, bientôt suivi d’un bol de café noir, je vous ai promis de vous dire mon histoire, et la voici en deux mots : Un des fils de ma vieille dame a eu l’idée de m’épouser.

— Ah pardi ! ça devait être ! dit Justine.

— Tu as raison, parce que nos caractères et nos idées se ressemblaient. Tout le monde aurait dû prévoir cela, et moi la première.

— Et la mère aussi ! dit Peyraque.

— Eh bien ! personne ne s’est méfié, et le fils a beaucoup étonné et beaucoup fâché la mère quand il lui a dit qu’il m’aimait.

— Et vous ? dit Justine.

— Moi ? il ne m’avait jamais dit cela, et comme je savais que je n’étais ni assez noble ni assez riche pour lui, je ne lui aurais jamais permis d’y penser.

— Ça, c’est bien ! reprit Peyraque.

— Et c’est vrai ! ajouta Justine.

— Donc j’ai vu que je ne pouvais pas rester un jour de plus, et dès les premières paroles fâchées de la mère, je suis partie sans revoir le fils ; mais le fils