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dessiner au-dessus des rochers, reprit son paquet, fit accepter, non sans peine, quelque monnaie au paysan, évita les questions de sa femme, et resta en arrière pour leur laisser traverser le village, essuyer les aboiements des chiens et troubler le sommeil des habitants qu’elle voulait retrouver endormis à son entrée.

Mais rien ne trouble le sommeil des habitants d’un village du Velay, rien n’y réveille les chiens. Le convoi de charpente passa, les bouviers chantant toujours, les roues bondissant lourdement sur les blocs de lave qui, sous prétexte de paver les rues de ces bourgades inhospitalières, constituent un système de défense beaucoup plus impraticable que les chemins périlleux par lesquels on y arrive.

Caroline, remarquant le profond silence qui succédait au bruit des chariots, s’engagea résolument dans la ruelle étroite et presque à pic qui était censée continuer la route. Là s’arrêtaient ses notions sur la localité. Justine ne lui avait pas désigné la situation de sa demeure. La voyageuse, voulant s’y glisser sans faire événement et s’entendre avec la famille pour n’être pas nommée, résolut de ne frapper nulle part, de n’éveiller personne, et d’attendre le jour, qui ne pouvait tarder à paraître. Elle posa son paquet à côté d’elle à un banc de bois et s’assit sous l’auvent de la première maison venue. Elle regarda le tableau bizarre et pittoresque que formaient les toits, inégalement et durement découpés sur les nuages blancs du ciel. La lune passait dans la zone étroite que laissaient à