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Il s’y entendait mieux que la femme la plus versée dans la haute science de la toilette. Il n’avait plus le temps de manger, passant sa vie à faire la cour, à causer avec les joailliers, les fabricants et les brodeuses, à raconter à sa mère, qui en perdait aussi la tête, les mille incidents et même les drames à surprises de ses merveilleuses acquisitions. Au milieu de tout ce coup de feu où Caroline et Urbain prenaient la part la plus modeste, madame d’Arglade se glissa comme malgré elle.

Un grand événement avait bouleversé l’existence et les projets de Léonie. Au commencement de l’hiver, son mari, plus âgé qu’elle de vingt ans et depuis longtemps menacé, avait succombé à une maladie chronique, lui laissant des affaires assez embrouillées, dont elle sortit d’une manière triomphante, grâce à un coup de bourse, car elle jouait depuis longtemps à l’insu de monsieur d’Arglade, et elle avait enfin mis la main sur un bon numéro de la grande loterie. Elle se trouvait donc veuve, jeune et charmante encore, et plus riche qu’elle ne l’avait jamais été, ce qui ne l’empêcha pas de verser tant et de si grosses larmes que l’on disait d’elle avec admiration : « Cette pauvre petite femme était grandement attachée à son devoir malgré son air frivole ! Certes monsieur d’Arglade n’était pas un mari à faire tourner la tête, mais elle a tant de cœur qu’elle est inconsolable ! » Et on la plaignait, on s’évertuait à la distraire ; la marquise, sérieusement attendrie, exigeait qu’elle vînt passer avec elle