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— Cela, ma mère, je vous en réponds ! s’écria le duc. Ce qui m’a rendu mauvais, c’est le doute, c’est l’expérience, ce sont les coquettes et les ambitieuses ; mais une fille charmante, une enfant de seize ans qui se fierait à moi, ruiné comme me voilà,… mais je redeviendrais enfant moi-même ! Ah ! vous seriez bien heureuse aussi, vous, n’est-ce pas ? Et toi, Urbain, qui craignais tant d’être obligé de te marier ?

— A-t-il donc fait vœu de célibat ? dit la marquise en regardant le marquis avec tendresse.

— Non pas ! répondit Urbain avec vivacité ; mais vous voyez bien qu’il n’y a pas de temps de perdu, puisque mon aîné fait encore de si belles conquêtes ! Quand vous me donneriez encore quelques mois de réflexion…

— Au fait, au fait, rien ne presse en réalité, reprit la marquise, et puisque nous avons si bonne chance, je me fie à l’avenir… et à toi, mon excellent ami !

Elle embrassa ses deux fils. Elle était ivre de joie et d’espérance, elle tutoyait tous ses enfants. Elle embrassa aussi Caroline en lui disant : — Et toi, bonne et belle petite blonde, réjouis-toi donc aussi !

Caroline avait plus envie de se réjouir qu’elle ne voulait se l’avouer à elle-même. Vaincue par la fatigue d’une journée d’émotions, elle s’endormit délicieusement en se disant que la crise était ajournée, et que pendant quelque temps encore elle ne verrait pas l’obstacle sans appel et sans retour du mariage se placer entre elle et M. de Villemer.