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en recouvrant jour par jour, heure par heure, la santé, la confiance en lui-même, la certitude de sa puissance et le charme que donne le bonheur aux nobles physionomies longtemps voilées par le doute.

Quand elle se rendit compte de toutes ces transformations séduisantes, elle en avait subi l’effet à son insu, et l’automne arrivait. On allait retourner à Paris, et, sous l’empire d’une idée fixe, madame de Villemer disait tous les jours à sa jeune confidente : — Dans trois semaines, dans quinze jours, dans une huitaine, aura lieu la fameuse entrevue de mon fils avec mademoiselle de Xaintrailles.

Caroline sentit alors un déchirement affreux au plus profond de son âme, une consternation, une terreur et comme une révélation impérieuse du genre d’attachement qu’elle ne s’avouait pas encore. Elle avait si bien accepté l’idée vague et encore lointaine de ce mariage qu’elle n’avait jamais voulu se demander si elle en souffrait. C’était pour elle inévitable comme de vieillir et de mourir ; mais on n’accepte en réalité la vieillesse et la mort qu’à l’heure où elles arrivent, et Caroline sentit qu’elle faiblissait et qu’elle mourait à l’idée de cette séparation prochaine et absolue.

Elle avait fini par croire avec la marquise que cela ne pouvait manquer. Jamais elle n’avait osé questionner le marquis ; le duc le lui avait défendu d’ailleurs au nom de l’amitié qu’elle portait à sa famille. Selon lui, le marquis ne se déciderait qu’autant qu’on ne le tourmenterait pas, et le duc savait bien que la