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me flatte de comprendre même ce qui serait au-dessus de ma portée dans d’autres circonstances.

Mais, au moment de prendre le manuscrit, Caroline hésita devant une confidence trop particulière, et demanda si l’excellent duc ne serait pas initié, lui aussi, à cette satisfaction.

— Non, répondit le marquis, mon frère ne viendra pas aujourd’hui. J’ai saisi le jour où il est à la chasse. Je ne veux pas qu’il connaisse mon œuvre avant qu’elle soit terminée ; il ne la comprendrait pas. Ses préjugés de naissance s’y opposent. Il croit pourtant avoir quelques idées avancées, comme il les appelle, et sait que je vais plus loin que lui ; mais il ne se doute pas combien j’ai quitté la voie où m’avait placé l’éducation. Ma révolte contre ce passé lui causerait un grand effroi, et cela pourrait me troubler avant la fin de mon travail. Mais vous-même,… peut-être allez-vous être un peu inquiète.

— Moi, je n’ai pas de parti pris, répondit Caroline, et il est fort probable que je partagerai vos opinions quand je les connaîtrai bien. Donc asseyez-vous, je veux lire tout haut pour vous autant que pour moi. Je veux que vous vous entendiez parler vous-même. Je crois que ce doit être une bonne manière de se relire.

Caroline lut ce matin-là un demi-volume ; elle s’y reprit dans la journée et le lendemain. En trois jours, elle fit entendre au marquis le résumé des études de plusieurs années. Elle lut son écriture, quoique un