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on pourrait dire même que jamais il n’avait rencontré des soins à la fois si éclairés et si doux, car sa mère, outre qu’elle manquait de force et d’activité physique, s’était montrée trop ardente et trop inquiète dans ceux qu’elle lui avait prodigués à l’époque où sa vie avait été déjà menacée. Elle eut bien cette fois quelque soupçon d’une rechute en voyant son fils plus souvent près d’elle, par conséquent moins acharné à son travail ; mais quand vint ce soupçon, la crise était passée : le bon accord de tranquillité concerté entre le duc et Caroline, l’ignorance absolue des domestiques, peu nombreux et par cela même très-occupés, la sérénité du marquis, tout contribua à la rassurer, et au bout d’une quinzaine, elle remarqua même que son fils reprenait un air de jeunesse et de bien-être dont elle n’eut plus qu’à se réjouir.

On avait caché avec soin l’état du marquis à madame d’Arglade. Le duc ne renonçait nullement pour lui au grand mariage projeté. Il jugeait Léonie babillarde, évaporée, et ne voulait pas qu’on sût dans le monde que la santé de son frère pouvait, à un moment donné, causer des craintes sérieuses. Le duc avait bien averti Caroline à cet égard. Il jouait avec elle, dans l’intérêt de son frère, tel qu’il l’entendait, le double jeu de la prédisposer autant que possible et peu à peu à un dévouement sans bornes, et pour cela il trouvait bon de lui rappeler souvent que l’avenir de la famille reposait tout entier sur le fameux mariage. Caroline n’avait donc garde de l’oublier, et