Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/198

Cette page a été validée par deux contributeurs.

line, vous seule ici pouvez être cette personne-là. Mon frère a une grande estime, un profond respect, et même, je crois, une sincère amitié pour vous. Essayez de le gouverner huit jours, quinze jours, un mois peut-être, car si aujourd’hui il peut se lever, ce soir il sera ici feuilletant et prenant des notes ; s’il dort encore la nuit prochaine, il se croira hors d’affaire, et la nuit suivante il ne se couchera pas. Vous voyez quelle tâche nous devons nous imposer. Moi, j’y suis tout résolu, tout dévoué, mais à moi seul je ne pourrai rien. Je l’ennuierai, il se lassera de ne voir que moi, et son impatience neutralisera l’effet de mes soins. Avec vous,… une femme, une gardienne volontaire, généreuse, ferme et douce, patiente et tenace comme les femmes seules savent l’être, je vous réponds qu’il se soumettra sans dépit, et que plus tard, quand les crises auront disparu, il vous bénira de l’avoir contrarié.

Cet insidieux exposé de la situation chassa entièrement le vague et rapide soupçon de Caroline. — Oui, oui, répondit-elle avec fermeté, je serai cette gardienne-là. Comptez sur moi ; je vous remercie de me choisir, et ne m’en sachez aucun gré. Je suis habituée au métier d’infirmière ; cela ne me coûte ni ne me fatigue. Votre frère est pour moi comme pour vous quelque chose de si respectable et de si supérieur à tout ce que nous connaissons, que c’est un bonheur et un honneur de le servir. Voyons, entendons-nous pour nous partager cette bonne tâche sans éveiller