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avez donnée cette nuit, je vous parle comme si vous étiez ma sœur ? Je suis très-embarrassé, je perds la tête, voyez-vous ! Urbain se tue au travail. Je n’ai pas assez d’ascendant sur lui ; il ne veut pas que j’avertisse notre mère de la reprise de son ancien mal. L’avertir en effet, c’est l’agiter dangereusement ; infirme comme elle l’est, elle voudrait être toujours là, veiller. Au bout de deux nuits, elle y succomberait… Il faut donc qu’à nous deux nous sauvions mon frère sans qu’il y paraisse, sans mettre de laquais et de filles de chambre dans la confidence. Ces gens-là parlent toujours. Voyons ! êtes-vous une femme de cœur et de tête comme je me le suis persuadé ? Voulez-vous, pouvez-vous, osez-vous m’aider sérieusement à le soigner en secret, à le veiller alternativement avec moi pendant plusieurs soirées, plusieurs nuits au besoin, à ne pas le laisser seul une heure, afin que, même pendant une heure, il ne puisse pas reprendre ses maudits bouquins ? Il ne lui faut pas autre chose, j’en suis persuadé, qu’un repos absolu de l’esprit, assez de sommeil, un peu de promenade, et qu’il pense à manger. Pour cela, il faut l’autorité despotique, oui, despotique, d’une personne qui ne s’embarrasse pas de le contrarier, d’un cœur dévoué,… pas susceptible, ni fier, ni défiant mal à propos, qui supporte ses boutades s’il en a, ses élans de reconnaissance exaltée s’il lui en échappe, une amie sérieuse enfin qui ait la délicatesse, l’intelligence de la charité pour lui faire accepter et peut-être aimer son joug. Eh bien ! Caro-