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ne vois-tu pas que c’est mon plus grand besoin, ma soif la plus vive, et que ma colère n’était que du chagrin ?… Je la pleurais, cette confiance, remise en question, je la pleurais avec des larmes de sang ! Rends-la-moi, je ne peux plus m’en passer.

— Que faut-il faire ? Voyons, dis !… Je suis toujours prêt à l’épreuve du fer et du feu ! Il n’y a que l’épreuve de l’eau dont je te prie de me dispenser. S’il fallait en boire !…

— Ah ! tu ris toujours, tu vois bien !

— Je ris, je ris… parce que c’est ma manière d’être content, à moi, et du moment que tu m’aimes toujours, le reste n’est rien. Et puis qu’est-ce qu’il y a donc de si grave ?… Tu aimes cette charmante fille ? Tu n’as pas tort. Tu veux que je ne lui parle plus, que je ne la rencontre jamais, que je ne la regarde pas ? C’est fait, c’est juré, et si cela ne suffit pas, je pars demain, tout de suite, si tu veux, sur la Blanche. Je ne vois pas ce que je peux faire de pis !

— Non, non, ne pars pas, ne m’abandonne pas !… Ne vois-tu pas, Gaëtan, que je me meurs ?

— Ah ! grand Dieu ! que dis-tu donc là ? s’écria le duc en soulevant l’abat-jour de la lampe et en regardant son frère au visage ; puis il se jeta sur ses mains, et, ne trouvant pas le pouls assez vite, il tâta avec les deux siennes la poitrine de son frère, et sentit les battements désordonnés et irréguliers du cœur du malade.

Cette affection avait gravement menacé la vie du