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— Je ne l’ai pas été du tout ! Je me suis sauvée comme une poule.

— Mais vous n’avez pas crié, et vous n’avez pas perdu la tête, c’est quelque chose !

On raconta à madame d’Arglade la partie d’équitation. Elle eut l’air, comme de coutume, d’écouter fort peu ce qu’on lui disait ; mais elle n’en perdit rien, et se demanda tout chaud si le duc avait séduit ou voulait séduire Caroline, et si cette combinaison pourrait un jour ou l’autre lui servir à quelque chose. Le duc laissa les femmes ensemble et monta chez son frère.

Le motif pour lequel Caroline et Léonie ne s’étaient pas liées au couvent, c’était la différence de leur âge. Quatre ans établissent une distance très-sensible dans l’adolescence. Caroline n’avait pas voulu dire le vrai motif au duc, dans la crainte de paraître vouloir vieillir sa compagne, sachant bien, d’ailleurs, que c’est jouer un mauvais tour à la plupart des jolies femmes que de se rappeler leur âge trop fidèlement. Il est même à noter que tout le temps que demeura madame d’Arglade à Séval, elle se fit passer pour la plus jeune, et que Caroline accepta en bonne fille cette erreur de mémoire sans la démentir.

Caroline connaissait donc en réalité fort peu sa protectrice, elle ne l’avait jamais revue depuis qu’enfant, sur les bancs de la petite classe, elle avait vu sortir du couvent mademoiselle Léonie Lecomte, laquelle, ivre d’épouser un gentilhomme, n’avait regretté personne,