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ange tutélaire. Je quitte le Midi, et je ne ferai que toucher barres à Paris, car avant de m’y installer, avant de me réjouir et de m’amuser, avant tout enfin, je veux aller vous remercier, me prosterner devant vous vingt-quatre heures à Séval, et pendant ces vingt-quatre heures vous dire que je vous aime et vous bénis.

« Je serai chez vous le 10 juin. Dites à monsieur le duc que ce sera le 9 ou le 11, et qu’en attendant je le remercie d’avoir été si bon pour mon mari, qui va lui écrire de son côté. »

Cette incertitude prétendue du jour de son arrivée était, de la part de madame d’Arglade, l’acceptation gracieuse d’une plaisanterie que le duc lui avait souvent faite sur l’ignorance où elle paraissait toujours être des jours et des heures. Le duc, tout madré qu’il était en fait de femmes, était complétement dupe de Léonie ; il la croyait éventée et avait coutume de lui parler ainsi : — C’est cela ! Vous venez voir ma mère aujourd’hui lundi, mardi ou dimanche, septième, sixième ou cinquième jour du mois de novembre, septembre ou décembre avec votre robe bleue, grise ou rose, et vous allez nous faire l’honneur de souper, dîner ou déjeuner avec nous, avec eux ou avec les autres.

Le duc n’était point épris d’elle. Elle l’amusait, et sa manière d’être avec elle, toute remplie de caquets et de facéties, ne cachait qu’un tâtonnement décousu dont madame d’Arglade avait l’air de ne pas s’apercevoir et dont elle savait fort bien se garer.