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suis la plus heureuse fille qu’il y ait aujourd’hui, et pourtant je ne suis pas près de toi, je ne regarde pas dormir nos enfants ! Tu vois bien qu’il n’y a pas de vrai bonheur dans l’égoïsme, puisque, seule comme me voilà, séparée de tout ce que j’aime, le cœur me bat de joie à travers les larmes, et que je vais remercier Dieu à deux genoux avant de m’endormir.

Caroline.

Pendant que mademoiselle de Saint-Geneix écrivait à sa sœur, la marquise de Villemer causait avec le plus jeune de ses fils dans son petit salon du faubourg Saint-Germain. La maison était vaste et d’un bon rapport ; pourtant la marquise, riche autrefois et maintenant fort gênée, nous en saurons bientôt la cause, occupait depuis peu le second étage, afin de tirer parti du premier.

— Eh bien ! chère maman, disait le marquis à sa mère, êtes-vous contente de votre nouvelle demoiselle de compagnie ? Vos gens m’ont dit qu’elle était arrivée.

— Mon cher enfant, répondit la marquise, je ne vous en dirai qu’un mot, c’est qu’elle m’a ensorcelée.

— Vraiment ? contez-moi cela.

— Ma foi, je ne sais pas trop si je le dois, j’ai peur de vous monter la tête d’avance.

— Ne craignez rien, répondit tristement le marquis, que sa mère avait essayé de faire sourire ; quand même je serais aussi prompt à m’enflammer, je sais