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rien compromettre trop gravement : — Oui, ce doit être l’enfer, à moins d’une grande passion qui donne l’héroïsme de tout subir.

Caroline resta tout aussi calme et comme étrangère à la question.

— Ah ! mon fils, dit la marquise, quelle niaiserie nous contez-vous là ? Vous avez des jours où vous parlez comme un enfant !

— Mais vous savez bien que je suis très-enfant, dit le duc, et j’espère l’être encore longtemps.

— C’est l’être beaucoup trop que de mettre une chance de bonheur dans la misère, dit la marquise, qui avait besoin de discuter. Il n’y en a pas, la misère tue tout, même l’amour.

— Est-ce votre opinion, mademoiselle de Saint-Geneix ? reprit le duc.

— Oh ! je n’ai pas d’opinion là-dessus, répondit-elle. Je ne sais rien de la vie, passé une certaine limite, mais je serais portée à croire ici madame votre mère plutôt que vous. Je l’ai connue, la misère, et si j’ai souffert, c’est en la sentant peser sur ceux que j’aimais. Il ne faut donc pas compliquer ni étendre sa vie quand elle est déjà si difficile. C’est chercher le désespoir.

— Mon Dieu ! tout est relatif, dit le duc. Ce qui est la misère pour les uns est l’opulence pour les autres. Est-ce que vous ne seriez pas très-riche avec douze mille livres de rente ?

— Oh ! certes, répondit Caroline sans se rappeler et