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inactive. Chasser, lire des romans, causer avec sa mère, composer quelques romances, ce n’était pas assez pour un esprit aussi fantaisiste, et naturellement il se mit à penser à Caroline comme à la seule personne qui pût jeter un peu de poésie et d’intrigue dans son cerveau. Il était décidé à passer la moitié de l’année à Séval, et c’était là une très-noble résolution pour un homme qui n’aimait la campagne qu’avec un grand train. Il voulait, en vivant sur le pied le plus modeste chez son frère, durant six mois tous les ans, refuser tous les ans six mille francs sur sa pension, et si le marquis repoussait ce sacrifice, il emploierait la somme en réparations et en améliorations au manoir fraternel ; mais il fallait une amourette pour couronner toute cette vertu, et là s’arrêtait la vertu du brave duc.

— Comment faire, se disait-il, à présent que je lui ai donné, ainsi qu’à ma mère, ma parole d’honneur de ne pas m’occuper d’elle ? Il n’y a qu’un moyen, plus simple peut-être que tous les moyens ordinaires et rebattus : c’est d’être aux petits soins, mais avec une apparence de désintéressement absolu ; du respect sans galanterie, de l’amitié toute bonne, toute franche, et qui lui inspirera une confiance réelle. Comme avec tout cela il ne m’est point défendu d’avoir de l’esprit, de la grâce, et d’être aussi parfaitement aimable et dévoué que je le serais en montrant mes prétentions, il est fort probable qu’elle y sera sensible, et que d’elle-même elle me relèvera peu à peu de mon