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paroles, et qu’il s’attendait à trouver d’accord. Il n’avait pas prévu l’absence de coquetterie ou d’imagination chez Caroline, l’effroi réel, la résistance sérieuse, le combat intérieur chez le marquis. — Qu’est-ce donc ? se demanda-t-il en voyant que même la disposition à l’amitié semblait avoir disparu. Est-ce la morale qui a si vite éteint le feu ? Mon frère a-t-il fait une tentative inutile ? Son redoublement de tristesse est-il crainte ou dépit ? Cette fille est-elle prude ? Non ! Ambitieuse ? Non ! Le marquis n’aura pas su s’expliquer. Il aura gardé tout son esprit pour ses livres, quand il eût fallu le mettre au service de sa passion naissante.

Le duc ne se pressa pourtant pas de pénétrer la vérité. Il était livré à de grandes irrésolutions. Il avait réussi à connaître l’état des affaires du marquis. Celui-ci n’avait plus que trente mille francs de rente, dont douze mille étaient servis à son frère à titre de pension. Le reste était consacré presque entièrement à l’entretien et au service de sa mère, et lui-même vivait dans la terre qui lui appartenait, sans y faire plus de dépense pour son propre compte que s’il eût été l’hôte discret du manoir.

Le duc était navré de cette situation, qui était son ouvrage, et dont le marquis paraissait ne pas s’occuper. Il avait supporté sa propre déchéance de la façon la plus brillante. Il s’était montré véritablement grand seigneur, et s’il avait perdu beaucoup de compagnons de plaisir, il s’était reconnu plusieurs amis fidèles. Il