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catesse dans leurs relations. Ils repoussent généralement l’autorité directe du prêtre et lui abandonnent la femme, mais ils gardent la passion des guerres de religion ; ils se querellent sur le dogme en buvant, et ils se tuent. Voilà pour l’histoire.

Quant aux habitudes, elles sont le résultat de cette vie exaltée et tendue. La rudesse des idées fait celle des mœurs. L’homme qui comprend mal l’esprit des religions comprend mal la vie et se dénature lui-même. Il y a dans le pays, malgré l’aridité d’une grande partie de sa surface, des ressources énormes, des veines d’une fertilité prodigieuse, des pâturages splendides et beaucoup d’ardeur au travail de la terre ; mais le paysan, je parle de celui qui possède ce qu’il cultive, car la misère met l’autre hors de cause, ne jouit de rien et semble n’avoir besoin de rien. Sa maison est d’une malpropreté inouïe. Le plafond, recouvert d’un treillis de lattes, sert de réceptacle à tous les aliments en même temps qu’à toutes les guenilles de la maison. On est suffoqué, en y entrant, de l’odeur nauséabonde du lard rance mêlée à celle de toutes les choses immondes qui pendent là en guise de lustres : des chandelles avec des chapelets de saucisses, du linge sale et de vieilles chaussures avec le pain et la viande. La construction de beaucoup de maisons sent elle-même la forteresse ou le campement plus que l’habitation normale. Le logis s’élève sur une haute base et se ramasse sous un toit écrasé où l’on grimpe par des échelles. Dans une de