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Les temples comme les montagnes n’ont d’imposant que leurs proportions relatives, l’harmonie de leurs rapports avec les besoins de notre imagination. Dans les compositions de la nature, comme dans celles de l’homme, il y a des œuvres de choix qui portent le cachet d’une grande inspiration, d’autres qui ne témoignent que de sa profusion, de sa lassitude ou de son caprice.

Voilà pourquoi je n’ai pas toujours tressailli devant certains objets consacrés par l’admiration générale ou devant certains sites envahis par la vogue. Je n’aime la mer, tu le sais, qu’à travers beaucoup d’arbres ou traversée elle-même par beaucoup de rochers. Je la trouve disproportionnée quand elle s’empare trop des tableaux, de même que je trouve le ciel disproportionné dans les pays trop ouverts. J’ai peut-être en moi un esprit de révolte, comme notre mère m’en accuse. C’est un esprit silencieux, mais entêté, plus fort que moi, et qui repousse tout ce qui veut écraser.

J’aime pourtant les sites terribles ; tu me reprochais cela quand nous étions ensemble aux Pyrénées. Les précipices t’exaspéraient contre moi, qui les cherchais toujours, et tu m’entraînais à Biarritz, où la mer reposait tes yeux lassés de cascades et de ravins. Si tu veux bien y réfléchir, tu verras qu’en ceci tu étais plus poète que moi. Tu te plaisais dans la contemplation de ce qui semble infini. Je suis peut-être un artiste et rien de plus. J’ai besoin des choses définies. Je les veux très-grandes ; mais, pour que je les trouve telles