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sur le ciel, et là, je crois, est le secret de son magique aspect. Les détails vus ainsi comme repoussoirs à des perspectives profondes prennent toute l’importance qu’ils ont effectivement et se trouvent en proportion avec l’importance des masses lointaines. C’est l’isolement de Rome sur son ciel sans bornes qui fait que la grandeur réelle de ses monuments est difficilement appréciable à celui qui en approche. Rome, c’est ici qu’elle devrait être située ! C’est ce gigantesque piédestal d’une seule roche qu’il eût fallu à la pensée de Michel-Ange pour lancer dans les airs le dôme magistral de Saint-Pierre.

Mais après tout, je me demande pourquoi ce culte de nos esprits pour Rome et pour Saint-Pierre, une ville hideuse couvrant des ruines augustes et croyant avoir tout remplacé et tout compensé par un édifice d’une dimension inusitée, chef-d’œuvre de science architecturale, je le veux bien, mais non chef-d’œuvre de goût et de sentiment. J’ai ouï dire que le mérite de cette grande chose était précisément de ne point révéler sa hauteur et sa vastitude sans l’aide du raisonnement et de la comparaison, et j’avoue n’avoir rien compris à cela. J’ai toujours cru, moi, que l’art consistait à faire beaucoup avec peu de chose, et que la vraie grandeur n’était pas dans les matériaux qu’elle emploie, mais dans l’effet qu’elle produit. Peu m’importe qu’un être ou un objet soit facilement mesurable, si mon œil ne songe point à le mesurer et si ma pensée se trouve entraînée à le grandir sans mesure.