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vers le niveau central des trois rivières qui sillonnent ce que l’on peut appeler la plaine ; mais cette plaine n’est qu’une apparence relative : il n’est pas un point du sol qui n’ait été soulevé, tordu ou crevassé par les convulsions géologiques. Des accidents énormes ont jailli du sein de cette vallée, et, dénudés par l’action des eaux, ils forment aujourd’hui ces dykes monstrueux qu’on trouve déjà en Auvergne, mais qui se présentent ici avec d’autres formes et dans de plus vastes proportions. Ce sont des blocs d’un noir rougeâtre qu’on dirait encore brûlants, et qui, au coucher du soleil, prennent l’aspect de la braise à demi éteinte. Sur leurs vastes plates-formes, taillées à pic et dont les flancs se renflent parfois en forme de tours et de bastions, les habitants bâtirent des temples, puis des forteresses et des églises, enfin des villages et des villes. Le Puy est en partie dressé sur la base d’un de ces dykes, le rocher Corneille, une des masses homogènes les plus compactes et les plus monumentales qui existent, et dont le sommet, jadis consacré aux dieux de la Gaule, puis à ceux de Rome, porte encore les débris d’une citadelle du moyen âge, et domine les coupoles romanes d’une admirable basilique tirée de son flanc.

Cette basilique est elle-même un accident grandiose dans ce grandiose décor naturel. Elle se découpe noire et puissante, sur les fonds vaporeux des lointains de la campagne, car dans ce tableau, vu d’ensemble, l’horizon des Cévennes se détache seul