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DIANE, s’asseyant sur un banc, au milieu des fleurs. — Voyons, monsieur Florence, vous voilà installé à mon service. Mon intendant a de bons renseignements sur vous, et toutes vos conventions sont faites à votre satisfaction mutuelle, j’imagine. Je ne me mêle pas de ces détails-là ; mais je voudrais pouvoir m’intéresser à vous comme aux autres personnes de ma maison, et, par conséquent, vous connaître un peu. D’abord, comment vous nommez-vous ? Est-ce vraiment Florence que vous vous appelez ?

FLORENCE. — Pourquoi pas, madame la comtesse ?

DIANE. — Ah ! ce n’est pas là une réponse. Avez-vous quelque motif pour cacher votre vrai nom ?

FLORENCE. — Si madame la comtesse a quelque méfiance sur mon compte, je suis prêt à me retirer.

DIANE. — Comme vous êtes fier et susceptible, monsieur Florence, puisque Florence il y a ! Eh bien, je ne déteste pas cette manière d’être, et si vous la justifiez par des sentiments nobles…

FLORENCE. — Permettez, madame la comtesse ; je suis bon ouvrier, honnête homme et d’un caractère sociable. Je sais que vous avez le droit d’exiger cela de vos serviteurs. J’espère ne me faire jamais rappeler à mon devoir sur ces trois points. Le reste ne peut vous intéresser que médiocrement, et je me trouverais impertinent moi-même si je me permettais de vous entretenir de mon caractère et de mes sentiments.

DIANE. — Ah ! mon Dieu ! vous croyez que je veux vous faire subir un interrogatoire politique, peut-être ! (Elle rit.) Allons, vous n’avez pas besoin de m’en dire davantage, vous êtes un républicain, je le vois. Eh bien, mon cher, cela ne me fâche pas le moins du monde. Je ne suis pas une vieille comtesse de province, et je ne refuse pas l’ouvrage aux gens qui pensent autrement que moi. Je vois que vous avez de l’éducation, que vous êtes au-dessus de votre état ; j’en suis bien aise, et je ferai en sorte de ne jamais vous humilier.

FLORENCE — Je suis reconnaissant de l’intention, madame