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vous par amitié pour moi, si ce n’est par précaution pour vous-même.

DIANE. — Tu m’aimes donc un peu, toi ? Dis la vérité.

JENNY. — Oh ! je vous aime de tout mon cœur.

DIANE. — Tu mens, ton cœur est à ton infidèle.

JENNY. — Tout ce qui m’en reste est à vous.

DIANE. — Bonne créature ! Allons, je vais me coucher ; mais je sens bien que je ne pourrai pas dormir.

JENNY. — Je resterai auprès de vous sans rien dire, jusqu’à ce que vous dormiez.

DIANE. — Tiens, traite-moi comme un enfant. Sais-tu quelque chanson ?

JENNY. — Oh ! oui, j’en sais beaucoup.

DIANE. — Tu ne chantes pas faux, par hasard ?

JENNY. — Je n’en sais rien.

DIANE. — N’importe ! chante sur ce balcon, et si je ne te parle pas, rentre sans bruit, ferme ma fenêtre, et va te coucher.




SCÈNE VIII


Sur un chemin, auprès du parc de Noirac


MAURICE, DAMIEN, EUGÈNE.

EUGÈNE. — Entendez-vous chanter ?

DAMIEN. — Oui, cela vient du château. La voix est jolie.

EUGÈNE. — Il me semble que c’est très-joliment chanté. Ah ! c’est un air d’opéra comique. Je connais ça. Qu’est-ce que c’est donc ?

DAMIEN. — C’est de la Dame blanche : « Tournez, fuseaux légers… » C’est un joli air ; mais je crois que la chanteuse n’en sait pas plus long que moi, en fait de musique.

MAURICE. — Ça m’est égal, ça me plaît. Est-ce que c’est cette grande lionne maigre, qui chante si gentiment que ça ?

EUGÈNE. — Ce n’est pas possible. Elle doit rugir et non roucouler, la lionne de Noirac.