JENNY. — Mais oui !
DIANE. — Et cela te fait damner ?
JENNY. — Non, cela m’afflige. Je crains que vous ne vous rendiez malheureuse.
DIANE. — Ah ! si je pouvais être malheureuse à ta manière ! pleurer un absent, aimer un ingrat… Tiens, cela me donne une idée ! c’est de renvoyer mon beau marquis, pour voir si je le regretterai.
JENNY. — Oh ! madame, ne jouez pas à ce jeu-là ! S’il ne revenait pas !
DIANE. — Eh bien, de deux choses l’une : ou je serais débarrassée d’un prétendant qui m’ennuie, ou je le pleurerais sérieusement, et cela me désennuierait.
JENNY. — Ah ! madame, vous n’aimez pas !
DIANE, bâillant. — Ah ! tu as fini par trouver ça, toi ! Allons, je m’endors ; allume ma lampe, et va te coucher. J’espère qu’à force de galoper avec mon amoureux et de parler de lui, je pourrai dormir cette nuit.
SCÈNE IV
RALPH. — Voilà d’excellent café ! J’admire qu’un homme perdu, comme vous l’êtes si souvent, dans la recherche ou la contemplation des idées abstraites, sache se créer une sorte de bien-être intérieur.
JACQUES. — J’ai un bon domestique, et je tâche de le laisser se croire le maître, voilà tout. Je ne m’aperçois pas beaucoup du plus ou du moins de bien-être qu’il me procure ; mais puisque vous le remarquez, vous qui vous y entendez davantage, je lui ferai compliment du parti qu’il sait tirer de nos faibles ressources. Voulez-vous faire une partie d’échecs ?