Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/268

Cette page n’a pas encore été corrigée

son côté, que les gros mangeraient vitement les petits, et qu’on reverrait la grosse propriété faire sa boule et prendre sa graisse comme au jour d’aujourd’hui.

LE BORGNOT. — Comme ça, faut donc rester comme on est ?

PIERRE. — Il dit qu’il faudrait voir à s’associer tous ensemble pour cultiver nos biens, à seule fin d’amender la terre. Il appelle ça l’association.

GERMAIN. — Ah ! c’est ça ! Croyez ça, et vous verrez que tout sera mangé, pillé et volé !

PIERRE. — Si c’est nous-mêmes qui faisons valoir ensemble nos appartenances, qui donc qui viendra nous les voler ?

GERMAIN. — Tout ça, tout ça… c’est de la peine à prendre et du risque à courir ; je crois qu’il vaut encore mieux brouter à la corde qui vous tient.

LE BORGNOT. — Vous pouvez dire ça, vous qui avez de l’herbe sous la dent ; mais ceux qui n’ont que du caillou trouvent la nourriture bien sèche !

COTTIN. — Comme ça, père Germain, vous voulez donc voter avec les blancs, que vous dites qu’il faut rester comme l’on est ?

GERMAIN. — Comment je voterai, ça ne regarde personne. Dites comme vous voudrez, vous autres. Parler ne cuit pas, mais quand il s’agira de fourrer le billet dans la bouinotte… Suffit ! De la main à la poche, c’est le bon Dieu qui est le maître !

PIERRE. — Chut ! attention ! Voilà monsieur le marquis sur son grand cheval. Allons causer plus loin.

COTTIN. — Non, il ne s’arrête pas, il entre au château, et voilà monsieur Jacques qui vient par le chemin d’en bas. Diantre, il s’est promené de grand matin, qu’il rentre déjà ! Qu’est-ce qu’il y a donc dans le fond de sa carriole ? on dirait d’une femme qu’il ramène chez lui ?

JEAN. — Ça doit être la femme à l’Anglais. Je crois avoir entendu dire qu’elle devait venir le chercher un de ces jours pour le ramener à l’île de France.

PIERRE. — Dans quel endroit donc de la France qu’il y a une île ?