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bien élevées. Oui : votre mouchoir noué dans vos doigts levés en l’air exprime leurs petits gestes, et votre physionomie me dit qu’elles n’abusent pas de leur droit de tout dire. Ah ! voici un dialogue entre la marionnette et vous ! Vous lui faites la leçon, elle me salue… Quoi ! vous la grondez ? Aurait-elle dit une impertinence ? Elle se permet de me trouver à son goût… Elle m’a envoyé un baiser ? Oh ! c’est un peu fort, en effet ! (Maurice, qui a mimé tout le temps, donne un coup de pied à sa main qui, jouant dans un mouchoir, figure la marionnette.) Ah ! ne la châtiez pas si cruellement ; je lui pardonne, à condition qu’elle ne recommencera plus ! Et à présent que vous avez mimé, dansé et joué sur le mirliton votre aimable harangue, ne l’entendrai-je pas en vers ou en prose ?

(Maurice fait le signal du roulement, après quoi lui, Eugène et Damien se groupent et figurent le serment des Horaces.)

DIANE. — Je n’y suis plus. Je ne sais ce que cela veut dire.

JACQUES. — Cela veut dire qu’ils ont fait ou qu’ils font un serment. Ah ! tenez, le pierrot vous l’exprime. C’est d’être muets… (À Eugène, qui fait le mort parterre, pendant que Damien figure une croix au-dessus avec ses bras.) Oui !… Comme la mort, comme la tombe ! Est-ce cela ?

(Maurice fait signe que oui.)

DIANE, troublée. — Muets comme la tombe ! À propos de quoi ? Je vous assure que je ne comprends plus du tout.

ÉMILE, en femme, avec une grande barbe postiche, s’approche et prend la parole. — Je puis la sibylle de Cumes, et je suis chargée de dire à la châtelaine de Noirac que les acteurs sont des personnages muets. Leur engagement leur défend de jamais ouvrir la bouche quand ils sont dans le costume de leurs rôles.

DIANE, inquiète et souriant. — Mais quand ils le quittent, ils s’en dédommagent, et avec beaucoup d’esprit, j’en suis sûre ?

(Maurice, Eugène et Damien prennent la pose des trois Suisses au Rutly).

DIANE, très-inquiète. — Voyons, respectable sibylle, rendez vos oracles !