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vous dites que je cours avec lui ! C’est un mot bien dur et que je ne mérite pas.

DIANE. — Que tu es sotte et prude ! Quel mal y aurait-il, après tout ? N’es-tu pas libre d’aimer qui bon te semble ?

JENNY. — Non, madame.

DIANE. — Pourquoi ?

JENNY. — Parce que je n’ai pas encore oublié Gustave.

DIANE. — Ah ! tu commences à dire pas encore ! C’est un progrès, et je vois que monsieur Florence n’a pas perdu son temps. Sais-tu qu’il a une figure charmante, ce garçon-là ? Je voudrais bien savoir d’où il sort ? Mais tu prétends ne pas le savoir. Tu mens, j’en suis certaine. N’importe ! S’il te plaît, j’en serai charmée, ma pauvre enfant. Il est bien temps que tu te consoles, et si tu ne trouves pas qu’un jardinier soit au-dessous de toi pour la condition… Il est certain qu’ici la condition ne fait rien, il a une éducation… c’est étonnant ! Mais ne sois pourtant pas trop pressée, Jenny ! Il faut le connaître et ne pas être trompée une seconde fois. S’il est ce qu’il paraît, je veux bien vous marier ensemble. Je te ferai une petite dot, et vous ne me quitterez pas.

JENNY. — Ah ! madame, voilà votre bon cœur et votre imagination qui trottent. Je ne pense pas à Florence, et Florence ne pense pas à moi.

DIANE. — Il ne te fait pas la cour ? Tu m’en donnes ta parole d’honneur ?

JENNY. — Je vous la donne.

DIANE. — D’où vient ce changement ?

JENNY. — Quel changement ?

DIANE. — Tu disais avant-hier que tu n’oublierais jamais ton ingrat, et aujourd’hui tu as l’air d’y travailler ?

JENNY. — C’est vrai, j’y travaille, comme vous dites, et cela me fait bien mal de me forcer comme cela ; mais je prie Dieu, et cela ne m’était pas arrivé depuis longtemps.

DIANE. — Qui a fait ce miracle ? Allons ! c’est la vue du beau jardinier, conviens-en !

JENNY. — Non ! c’est une parole de monsieur Jacques.