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DIANE. — Je l’espère, et cependant c’est humiliant d’être menacée par une créature comme ça ! J’en veux tellement à Gérard de m’attirer une pareille affaire, que j’ai pris cette nuit la résolution de ne pas me marier.

JENNY. — Comment, madame, pour une chose qui arrive malgré lui ? Quand je vous assure qu’il a dit hier à Bathilde de l’en débarrasser, qu’il ne voulait plus la retrouver chez lui ? et puisque vous savez qu’il l’a fait partir le soir même, en revenant d’ici, et qu’elle n’a pas passé la nuit à Mireville ?

DIANE. — Es-tu sûre de cela ?

JENNY. — Antoine me l’a dit hier soir.

DIANE. — Que venait-il faire ici, Antoine, après que son maître était rentré chez lui ?

JENNY. — Il a dit que monsieur Gérard avait perdu Léda en s’en retournant, et il venait voir si elle était chez nous.

DIANE. — Est-ce vrai ? Est-ce qu’elle y était, sa chienne ?

JENNY. — Oui, et Antoine l’a remmenée.

DIANE. — Et il t’a dit que cette femme était repartie pour Paris ?

JENNY. — Pour Paris, je ne sais pas. Je n’ai pas osé lui faire de questions. Ces domestiques, ça a un si drôle d’air en parlant de ces sortes d’histoires ! Mais il m’a dit : Elle n’y est plus ; elle vient de filer !

DIANE. — Tiens, Jenny, je crois que Gérard veut essayer de me tromper. Il est assez simple pour s’imaginer que c’est possible, qu’il cachera une fille dans son château, à une lieue de moi, et que je ne le saurai pas !

JENNY. — Vous pouvez croire qu’il vous aime assez peu pour revenir à une ancienne fantaisie ?

DIANE. — Oh ! cela, peu m’importe ! Je ne suis pas du tout jalouse de lui. Je ne le crois, d’ailleurs, ni assez tendre, ni assez bouillant pour revenir à la passion ou à la pitié envers une femme quelconque. Mais je le crois lâche, et voilà ce qui me dégoûte le plus de lui. Je crois qu’il craint les esclandres de cette folle, et qu’il est assez fat pour craindre