Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/66

Cette page a été validée par deux contributeurs.

près, et, quand elle s’était montrée irritée ou exigeante, on pouvait compter qu’elle vous comblerait de soins tout aussitôt, pour réparer son injustice sans paraître la reconnaître ou s’en repentir. Il y avait en elle des cordes brisées ou détendues : l’instrument, exquis par lui-même, ne pouvait être d’accord. Le son déchirant m’en était pénible. Parfois cependant une belle note pure produisait une impression délicieuse. J’éprouvais le besoin de la plaindre ; mais elle ne permettait pas l’amitié et ne semblait pas la connaître. Son attachement pour les siens avait le caractère d’un devoir accompli avec passion, jamais avec tendresse.

Elle était bonne pourtant, bien bonne, équitable et maternelle comme la force, prévoyante de tous les besoins des autres, les devinant et se tourmentant jusqu’à ce qu’elle eût changé leur peine en bien-être, se fâchant quand on lui cachait une souffrance, se fâchant encore quand on la remerciait de vous l’avoir épargnée.

Elle avait beaucoup de compréhension et d’esprit, des notions très-variées et très-vagues, aucune instruction solide, aucune philosophie, aucune croyance. Elle aimait le bien, le juste et le beau, sans les bien apprécier et sans les connaître, sinon par ouï-dire ou par surprise révélatrice de l’instinct. Elle paraissait être, comme Tonino, privée de la faculté de raisonner. Les remontrances qu’elle lui adressait étaient plaisantes en ce qu’elle ne savait lui dire le pourquoi de