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Ils revinrent le soir même. Tout était terminé ; nous avions la prairie pour un prix minime. Jean était trop passionné pour s’arrêter aux petits scrupules. Il louait et remerciait sa sœur avec transport. Je n’avais pas la conscience aussi tranquille. Zemmi était un paysan très-pauvre, j’aurais souhaité qu’on l’associât d’une façon quelconque à nos futurs bénéfices ; mais la chose ne me regardait pas, et je n’osais rien dire.

— Vous rêvassez, me dit Tonino le lendemain avec sa familiarité enfantine et caressante. À quoi pouvez-vous bien penser ?

— Au pauvre Zemmi, lui dis-je. Je regrette de n’avoir pas de quoi le faire profiter…

— Chut ! reprit Tonino ; parlons bas, car la cousine est toujours sur les talons, et elle a l’oreille fine. Elle serait en colère si je vous disais ce qu’elle a fait.

— Alors, ne me le dites pas.

— Je veux le dire malgré sa défense. Je veux que vous sachiez comme elle est généreuse et juste. Il faut, voyez-vous, que vous l’aimiez comme je l’aime ! Sachez donc qu’elle a payé la prairie très-cher et sans marchander. Zemmi en était tout surpris et content comme un fou ; mais la patronne ne veut pas que son frère le sache, c’est elle qui paye la différence. Voilà comme elle est ! Elle gronde toujours le patron sur sa légèreté. Elle lui dit qu’il se fait toujours tromper, et elle, quand elle s’en mêle, elle est si grande, qu’elle paye deux fois plus que lui. Seulement, elle dit : « On