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Pendant quinze jours, nous ne fûmes pas occupés d’autre chose. Je ne cessais d’explorer le lit du torrent, voulant tout prévoir, et plusieurs fois je retournai à la prairie de la Quille pour la sonder dans tous les sens et m’assurer de la profondeur du sol. L’eau devait, à coup sûr, entraîner des débris de roche quand elle aurait fini de peler la montagne ; il fallait donc penser à l’avenir et aviser à ce que les pierres ne vinssent pas recouvrir nos terres à un moment donné. Après beaucoup de réflexions et d’observations, je trouvai un moyen simple et peu coûteux ; mais ce n’est pas l’histoire du torrent que vous m’avez demandée, et je vous fais grâce des détails. Il m’a fallu vous dire tout ce qui précède pour vous faire savoir comment je me trouvai lié à l’existence des Morgeron, et comment aussi je fus mis promptement à même de connaître les secrets ressorts de leur destinée et le caractère de la personne la moins expansive du monde, Félicie Morgeron.

Quant à celle-ci, je la connus mieux encore lorsque j’annonçai que, mes calculs étant établis et ma certitude acquise, il fallait s’occuper d’acheter le terrain de la Quille. Jean attendait cette décision avec une impatience fiévreuse. Il voulait courir chez Zemmi à l’instant même ; Félicie l’en empêcha.

— Vous vous ferez voler, lui dit-elle. Laissez-moi régler l’affaire.

Et elle partit avec Tonino pour le village où demeurait Zemmi.