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— Quand on travaille comme vous avec une activité fiévreuse, c’est pour réaliser des projets d’avenir quelconque, et abandonner ces projets, c’est, pour une nature positive et sensée comme la vôtre, un sérieux sacrifice.

— Je ne sais pas si je suis sensée, mais je suis positive en effet. J’ai toujours travaillé pour le plaisir de travailler, je ne pourrais pas vivre autrement. J’aime l’ouvrage bien fait. Quant à mes projets, je n’en ai pas pour mon compte. Vous voyez que le sacrifice n’est pas grand.

— Ce que vous me dites là m’étonne, mais je n’ai ni le droit ni l’intention de vous interroger. Permettez-moi seulement de vous dire que je ne puis me prêter à votre ruine, et que je ne veux encourager la témérité de votre frère par aucun adoucissement à la vérité que je lui ai dite et prouvée. Je ne suis pas ingénieur, mais j’ai assez d’expérience et d’observation pour être convaincu que je ne me suis pas trompé. Comment voulez-vous que je revienne sur mon assertion ?

— Ne vous déjugez pas, mais acceptez de l’aider à risquer le tout pour le tout. Voyons, monsieur Sylvestre, il le faut ! Ne croyez pas que votre prévoyance l’ait dégoûté de son rêve. Plus il le voit difficile et dangereux, plus il l’aime. Si vous le quittez, il cherchera un autre conseil qui sera probablement moins scrupuleux et moins éclairé que vous, et qui, au lieu de ménager le temps et de retarder la déception,