Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les éventualités qui pouvaient doubler et tripler les dépenses : les crues subites qui pouvaient ruiner les travaux commencés, la dureté de certaines roches, le manque de solidité de certaines autres, etc., etc. Ces prévisions si simples le consternèrent.

— Nous ne réussirons pas, dit-il ; nous ne trouverons pas autour de nous des gens assez riches ou assez confiants pour savoir risquer. Laissons dormir ce projet jusqu’à ce que je découvre les actionnaires qu’il me faudrait. Demain, je vous parlerai d’autre chose.

Tout cela avait pris huit jours. Nous vivions bien, bonne chère, bon gîte, et tout le confortable d’une maison bien tenue et d’une exquise propreté. J’admirais l’ordre et l’activité de mademoiselle Morgeron, l’intelligence et la soumission de Tonino. Il me semblait qu’avec moins d’ambition Jean eût pu être le plus heureux des hommes ; car sa sœur, tout en raillant, avec plus de clairvoyance que de douceur, son besoin de faire parler de lui, lui témoignait une affection réelle et une sollicitude de tous les instants.

Mon rôle vis-à-vis de cette jeune femme eût pu être embarrassant, si elle m’eût pris en méfiance ; mais elle vit bientôt que, si j’avais de l’influence sur son frère, je ne m’en servais que pour modérer son exaltation. Dès lors, elle me traita avec déférence et me laissa le désabuser tranquillement.

Au bout de la semaine, croyant avoir remporté la victoire, je songeais à quitter mes hôtes, car Jean ne