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J’étais libre de lui remontrer sa faute et de lui reprocher le malheur de ma vie. Le hasard nous a mis en présence l’un de l’autre, il y a huit jours, dans un endroit désert où elle errait un peu en folle et où je confesse que je n’ai pas cherché à l’éviter. J’étais malheureux, allez ! malheureux par elle, et depuis si longtemps ! Il m’a bien fallu lui dire qu’elle avait trompé un homme juste, qu’elle regrettait un misérable, et que, si elle était ma femme, je la couperais par morceaux. Elle a eu peur de moi. Elle a voulu m’adoucir, et elle m’a rendu encore plus fou, car elle a été coquette et elle a menti. Elle a prétendu m’avoir aimé, elle m’a donné à entendre qu’elle pourrait m’aimer encore. J’ai bien vu son manège, je l’ai appelée lâche. Enfin… tuez-moi, si vous voulez ; à présent, je suis dégoûté de la vie, moi aussi ; je ne me défendrai pas. Cette femme m’avait ôté la raison. Elle m’a rendu coupable envers vous qui m’aviez épargné et traité en homme. Elle ne m’aimait certes pas, elle me l’a dit ensuite. Elle n’a plus voulu me revoir. Elle m’a écrit qu’elle se tuerait. Je n’y ai pas cru, et elle s’est tuée. Eh bien, vengez-vous sur moi. Cette femme avait des passions terribles ; elle avait déjà été à moi avant d’être à Tonino et à vous. Je voulais l’épouser ; c’est elle qui m’a refusé en me mettant au défi de la trahir. Tuez-moi, vous dis-je, ou plutôt laissez-moi vivre encore huit jours, car j’ai un devoir à remplir ; il faut que j’en finisse avec celui qui nous a outragés tous les deux.