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tombe. Il y mettra des fleurs, une larme peut-être !… Ah ! Sylvestre, si vous saviez comme je vous aimais !… Mais vous ne pouvez pas le croire, vous ne comprenez pas qu’on aime et qu’on trahisse… — Vous… Non, je ne veux pas lui parler, je l’irriterais. Tout ce qui est moi vivante lui est amer et repoussant. Allons, il faut mourir. J’ai horreur de la mort pourtant, et je n’aurais jamais cru en venir là ! J’ai été si souvent et si longtemps malade, que je comptais sur elle pour me délivrer de mes tourments… Mais je guéris, je ne souffre plus de mon corps, et mon âme me torture. Il faut que je me la donne à moi-même, cette mort dont j’ai peur !… Eh bien, raison de plus : si j’avais envie de mourir, si je me sentais épuisée, infirme, lasse d’agir, où serait le courage, où serait ma punition ?

» … C’est fini, j’ai bu. Vais-je souffrir ? Sera-ce long ? Je sens de la force à présent, je vois clair dans ma vie, je n’ai pas d’excuse. Sylvestre, admirable ; toi, infâme ; moi… l’orgueil m’a empêchée d’accepter ma déchéance. J’ai sans doute commis un grand crime ; mais à quoi bon s’humilier, puisque rien ne peut l’effacer ? La mort seule… Ah ! mourir vite ! — Oui… bientôt. Je ne peux plus penser. — Tout est lourd. Tout m’écrase. L’air m’écrase. Tout me… rien ne… Félicie… trente-deux ans… morte le… je ne sais plus. »


Je relus plusieurs fois cette lettre navrante, je la