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de s’exaspérer. D’autres fois, il fallait laisser passer la crise. Ces palliatifs gagnaient du temps. J’espérais toujours que le temps, c’est-à-dire l’âge, amènerait le calme. Un an se passa ainsi.

Un jour, elle me parut distraite et sombre ; le lendemain et le surlendemain, elle le fut davantage. Elle se portait cependant aussi bien que possible. Je lui proposai une excursion pour la distraire, et, contre mon attente, elle accepta sans discuter. Nous partîmes en carriole avec un seul domestique qui conduisait un bon cheval. Nous descendîmes le versant des Alpes italiennes. Elle continua d’être morne et absorbée, mais elle fut très-douce, et, après trois jours de promenade sans fatigue et sans émotion, elle revint chez elle sans plaisir et sans chagrin apparents. Elle se coucha de bonne heure en rentrant, et rien ne put me mettre sur mes gardes. Je me couchai aussi dans la chambre au-dessus de la sienne. La maison, haute et étroite, n’était pas distribuée de manière que nos appartements fussent contigus.

Il y avait si longtemps que son humeur emportée et fantasque ne m’avait laissé de répit, que je dormis profondément cette nuit-là.

Le matin, comme le premier rayon du soleil frappait sur mes rideaux, je me levai suivant ma coutume. Félicie était ordinairement plus matinale que moi, elle était debout dès la pointe du jour. Je fus surpris, en descendant, de ne pas l’entendre remuer ; j’approchai l’oreille de sa serrure. J’entendis sa respiration