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querai cela… plus tard ! Il faudra bien que vous sachiez tout, si vous y restez.

Un jeune homme brun, à l’accent étranger, à la figure intelligente et distinguée, et vêtu en villageois recherché, vint au-devant de lui avec des démonstrations de joie.

— La maîtresse est allée vendre deux chèvres, lui dit-il. C’est elle qui va être surprise et joyeuse en rentrant !… Et comment va la santé ? Et combien de temps aura-t-on le contentement de vous garder cette fois ?

— C’est bon, c’est bon, Tonino ! répondit le patron d’un ton assez brusque, quoique bienveillant. On verra ça. Ne nous étourdis pas de compliments et fais-nous dîner si tu peux.

Le repas fut excellent et servi avec une propreté extrême. Tonino paraissait être à la fois un ouvrier et un domestique. Il était plein d’adresse pour manier la vaisselle, et il commandait à la servante aussi bien qu’eût pu le faire une maîtresse de maison ; mais la véritable maîtresse arriva pour nous servir le café.

— Voilà ma sœur, me dit le patron en la voyant descendre le sentier qui nous faisait face.

Je regardai cette femme. J’attendais une forte et respectable matrone. Je fus surpris de voir une petite personne mince, élégante, alerte, et qui me parut toute jeune.

— Elle a trente ans, quinze ans de moins que moi,