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qu’au terme fixé pour mon départ avec elle ; mais elle ne put tenir parole. J’appris, le surlendemain, qu’elle était partie, avec ses enfants et deux de ses serviteurs, pour la Vénétie, où Tonino était déjà rendu, mais non établi encore.

En apprenant cette nouvelle, Félicie redevint généreuse. Elle s’inquiéta des enfants, de la fatigue du voyage pour cette jeune mère qui nourrissait, du peu d’argent qu’elle pouvait avoir. Elle voulait courir après eux, non pas demander pardon à la Vanina, mais la forcer à l’admirer et à l’aimer encore. Elle faisait des paquets de vêtements, elle s’agitait. Sa fièvre augmentant, je dus encore la calmer en lui remontrant que la Vanina était forte et résolue, que les enfants étaient robustes, les serviteurs dévoués, et que Tonino leur avait laissé plus d’argent qu’il n’était nécessaire pour un voyage de cent lieues.

Elle s’apaisa, mais bientôt elle me pressa de partir pour tenir ma promesse à Tonino. Elle avait, avec une résolution extrême, réalisé très-vite la somme d’argent que je devais porter à son prétendu fils adoptif. Je m’aperçus alors qu’elle se préparait elle-même au voyage, comptant qu’au dernier moment elle me déciderait à l’emmener. Je fis échouer cette combinaison désespérée, dernier effort d’une irrésistible passion. Je lui déclarai que je ne m’intéressais pas assez à Tonino pour aller lui rendre visite. L’empressement de Vanina à partir sans moi, et à mon insu, avait fait échouer la sollicitude que j’avais promis d’avoir pour