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— De ma conscience d’ami, car ma conscience de médecin n’a rien à voir dans tout ceci ; mais écoutez-moi avec calme, comme il convient à un époux dévoué et à un philosophe. On me dit que Tonino est parti : faites qu’il ne revienne pas.

— Pourquoi ? Expliquez-vous. Je suis aussi calme et aussi sage que vous pouvez le désirer.

— Il faut que je m’explique ? J’aurais cru que vous m’aideriez et que vous étiez pour quelque chose dans le départ du cousin. Eh bien, n’importe. Sachez que Tonino est amoureux de Félicie, que cela trouble son ménage, et que Félicie est offensée de cet amour, qui persiste en dépit de son indignation.

— Vous êtes mal renseigné, docteur. Tonino n’est pas amoureux de Félicie, son ménage est heureux : donc, Félicie n’a pas lieu d’être offensée.

— Alors, prenez que je n’ai rien dit. Administrez de légers fébrifuges avec prudence, et tâchez de ramener la gaieté : moi, je croirai que les aveux délirants de votre femme n’ont aucun sens et ne portent sur aucune réalité.

Je m’installai auprès de Félicie. Elle délirait en effet, et je ne devais permettre à personne de surprendre ses paroles. Elle était surtout dévorée de colère contre Tonino et Vanina. Il n’y avait ni regret, ni amour, ni crainte, ni remords dans ses plaintes. Elle n’était malade en ce moment-là que de honte et de dépit.

Dans la nuit, elle s’apaisa et me reconnut. Elle me demanda avec effroi si elle avait parlé dans son som-