Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vous ferai un sort tranquille. Je vous mettrai pour toujours à l’abri du besoin, et je serai encore votre obligé ; car vous pouvez me rendre de très-grands services et m’aider à faire ma fortune.

— Je veux être et je suis votre ami, Jean Morgeron ; c’est pour cela que je vous demande si vous croyez travailler à votre bonheur en faisant fortune.

— Oui, répondit-il : je ne vois le bonheur que dans l’activité, la lutte et le succès. Je ne suis pas un philosophe comme vous, je ne suis même pas du tout philosophe, si la sagesse consiste dans la modération des désirs ; mais je m’imagine qu’il y a une autre sagesse, qui consiste à tirer de sa volonté tout ce qu’elle peut nous donner.

— Si vous le prenez ainsi, c’est bien. Vous obéissez à un instinct ; si vous vous en faites un devoir, c’est que vous voulez rendre votre énergie utile aux autres.

— Un homme qui entreprend beaucoup, reprit-il, est toujours utile aux autres. Il fait travailler, et le travail profite de proche en proche au monde entier. Vous savez que je traite bien mes ouvriers et qu’ils gagnent avec moi. Je me sens très-actif et plein d’idées, mais je manque d’instruction. Avec vous, je ferai de grandes choses !

Il me soumit alors un plan assez ingénieux. Il était possesseur d’une assez vaste étendue de terres stériles dans une des vallées alpines qui aboutissent à la vallée du Rhône. Le fond du sol était bon ; mais,