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seulement ces vérités ne périssent pas, elles montent et s’épurent.

La conséquence de mon humble philosophie personnelle était bien facile à déduire. Si les coupables que j’avais à juger étaient, à n’en pouvoir douter, deux esclaves de l’instinct, deux victimes de leur organisation excessive ou défectueuse, ils n’en étaient pas moins deux êtres intelligents qu’une meilleure éducation et un milieu plus propice eussent pu affranchir de la servitude de leurs appétits. En méprisant jusqu’au dégoût la fantaisie maladive qui leur avait fait méconnaître le bonheur conjugal pour se jeter dans les bras adultères l’un de l’autre, j’étais obligé de me rappeler que j’avais devant les yeux un homme qui eût pu, avec l’aide d’une autre destinée sociale, devenir un très-honnête homme ; une femme qui, dès l’enfance, préservée par l’amour paternel des dangers de l’isolement, eût pu rester pure et ne pas subir, le reste de sa vie, la fatalité morale et physique d’une première faute. La liberté morale subsiste ; mais elle peut être étouffée chez l’individu par l’absence de secours intellectuels, par la contagion despotique du mal.

Devant ce problème, je n’avais pas à examiner la question suprême du mariage et à me demander si l’indissolubilité qui le frappe était praticable pour le sentiment. Il redevenait une question de fait, d’ordre public. L’adultère caché échappait au contrôle du législateur. L’époux redevenait juge dans sa propre cause. Je me voyais investi d’un droit terrible ; mais