Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/257

Cette page a été validée par deux contributeurs.

souvenirs que, bientôt après, tu as trouvés si doux et si enivrants, que tu m’amènes ici ? Voyons, que veux-tu ? Ta lettre est aussi folle que les autres. Tu dis blanc et noir, tu m’aimes et tu me hais, tu aimes ton mari et tu n’aimes que moi. Tu as des remords et tu n’en as pas, tu veux adopter mes enfants et tu ne peux pas les souffrir. Avoue que tu perds l’esprit ! Je ne sais plus que faire de toi !

— C’est pourtant à toi de trouver le remède. Puisque je deviens folle, ce n’est pas moi qui le trouverai.

— Mais tu rends tout impossible ! Notre vie était si bien arrangée ! Nos deux mariages, qui semblaient devoir nous séparer, nous avaient assuré la tranquillité. Nous n’étions plus responsables du bonheur domestique l’un de l’autre, et c’était pour le mieux ; car nous sommes trop passionnés pour vivre ensemble, tu le vois bien ! Toi avec ton excellent et charmant mari, moi avec ma bête de femme, qui est douce et qui me craint, nous n’avions plus qu’à nous aimer avec rage, dans le mystère, sans lequel il n’y a plus d’amour, et en réservant à nos ardents plaisirs ces heures fortunées que l’on guette, que l’on se ménage à l’avance, et que l’on savoure comme une conquête sur la destinée ? Quoi de plus beau, de plus jeune, de plus complet que nos premiers rendez-vous ? L’hiver les a rendus plus difficiles et plus rares, et tu t’en es prise à moi comme si j’étais l’auteur de l’hiver ! Ton cerveau a travaillé, l’ennui est venu, tu t’es rejetée dans la tendresse de ton mari. Tu avais