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— C’est à mon tour de vous dire ce que vous me disiez de son mari : pourquoi ne l’aimez-vous plus ?

— Est-ce que j’ai jamais aimé l’un ou l’autre, moi ? Vous, vous êtes bon, vous êtes tendre, vous vous attachez à tous ceux qui vivent autour de vous ; c’est un besoin que vous avez. Moi, j’aime ou je hais selon qu’on vous apprécie. Si j’ai un faible pour Tonino, c’est parce qu’il vous aime plus que tout ; mais Tonino n’est point estimable, je vous l’ai dit cent fois ; c’est un être sans cœur, qui rapporte tout à lui ; et avec cela il est méchant ! Avez-vous entendu ce qu’il m’a dit ce soir ?

— Non, je n’ai rien entendu.

— Eh bien, tant mieux ! vous l’eussiez battu, j’espère, car ses paroles méritaient un soufflet de vous.

— Alors, j’ai eu tort de ne pas entendre ? J’ai manqué à mon rôle d’époux et à mon devoir d’ami ? Mais ne rêvez-vous pas tout cela ? Vous redevenez très-exaltée, ce me semble.

— Je ne suis que clairvoyante ; si vous laissez faire Tonino, il vous ruinera.

— Il me ruinera ! Je l’en défie. Je ne possède rien au monde.

— Vous ne voulez rien, je le sais ; mais vous avez quand même ! Ma fortune est la vôtre.

— Je ne l’ai pas acceptée.

— Vous avez le devoir de la maintenir et de la conserver.

— Nullement, je n’ai pas accepté ce devoir.