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Il me remit les fleurs qu’il avait cueillies, en me disant :

— Elles sont en graines, à présent ; vous ne pourrez plus les étudier.

En botaniste, j’aurais dû répondre que c’est ainsi précisément que je les voulais ; mais je répondis :

— Au fait, les voilà passées. J’en ai vu de semblables, moins avancées, du côté de la Quille. J’irai voir demain matin, si elles sont ouvertes.

Et, demandant pardon à Tonino de la peine inutile que je lui avais laissé prendre, je posai les plantes sur le rocher, comme si je n’y tenais pas et les oubliais. C’était promettre de ne plus venir les étudier au lieu où nous étions.

Ils furent contents de moi, ces charmants amis de mon cœur ! ils se regardèrent encore à la dérobée. Les yeux de Tonino dirent encore ceci : « Le mari ne nous gênera pas. La fête sera belle, » et les yeux de Félicie dirent de leur côté : « Les joies dont tu vas m’enivrer effaceront le mal que tu m’as fait ce soir. »

Il y eut aussi un muet colloque de ce genre au moment où Tonino nous quitta. Il lui recommandait d’être tendre avec moi, et elle passa aussitôt sa main sous mon bras, afin de me faire croire qu’elle était heureuse de se retrouver en tête-à-tête avec son cher mari. Nous allions rentrer encore une fois à la maison comme une paire d’amoureux ! Elle n’osa pas le dire, mais la convulsive pression de sa main osa l’exprimer…

Durant le trajet qui nous restait à faire, elle fut