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Je ne cherchais plus aucune occasion précise de confirmer par le fait ces révélations de tous les instants. J’étais sûr qu’elle se présenterait d’elle-même par la force des choses ; elle se présenta.

Nous revenions justement de chez Tonino un soir d’été. Le soleil était encore chaud, et nous prîmes à travers bois. Tonino nous accompagnait, il voulait nous reconduire jusqu’à mi-chemin, ayant, disait-il, quelqu’un à voir aux chalets de Sixte More. Ces refuges à troupeaux étaient situés à une petite distance de la gorge rocheuse où j’avais failli surprendre leur dernier rendez-vous ; il y avait de cela quinze jours.

Félicie parlait affaires avec son cousin. Sur le chapitre de l’élevage et du commerce des animaux, ils avaient de fréquentes discussions. Tonino entendait fort bien ses intérêts. Cet artiste contemplatif, à qui Jean Morgeron avait tant reproché autrefois de vivre dans les nuages, de ne pas aimer le travail et de n’être bon qu’à rêver aux étoiles en écoutant ruminer les vaches sur la litière des chalets, était devenu un trafiquant des plus actifs et des plus retors. Chaque année, il augmentait son cheptel et ses profits. Son rêve était d’acheter dans peu un terrain à mi-côte et d’y bâtir une espèce de castel. Il prétendait reprendre alors son vrai nom, del Monte, son titre même, et, par anticipation, il appelait en riant sa femme la contessina, et son fils aîné il baronino.

Félicie blâmait ces ambitions dont il avait plaisanté longtemps, mais dont il commençait à laisser voir la