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— Si vous êtes calme, je pourrai me faire comprendre.

— Parlez.

— Veuillez vous souvenir de l’amitié qui me liait à Jean Morgeron, de la confiance qu’il m’avait témoignée, des devoirs que sa mort m’a imposés. Sa sœur avait commis une faute. Il la lui avait pardonnée. Il l’avait protégée envers et contre tous, et il l’avait ainsi aidée à se réhabiliter. Ce que Jean Morgeron avait fait pour sa sœur, je dois ne jamais l’oublier et le continuer autant que possible, car, avant d’être son mari, j’étais son frère. C’est comme tel que j’étais entré dans la famille.

— Cela, c’est vrai ; mais pardonner ! Est-il possible que vous pardonniez ce qui se fait maintenant contre vous ?

— Si cela était, je n’ai pas dit que je le pardonnerais dans mon cœur, ceci ne regarde que moi ; mais je le pardonnerais peut-être en apparence, si ma conscience me le commandait. Or, je vous déclare que je ne veux prendre aucun parti avant de savoir si vous n’avez pas cherché à me tromper, et, comme je ne veux m’en rapporter qu’à moi-même pour découvrir la vérité, tout ce que vous me direz sera comme non avenu. Renoncez donc à m’éclairer de vos lumières.

— Vous me savez honnête homme, et vous osez dire que je cherche à vous tromper ? Vous m’insultez !

— Non, Sixte ! la passion — et le dépit est une passion violente — fait croire et dire des choses qu’on